Chilled Memories par Jennifer PONSOT

85mm ??

Photographe de sports mécaniques

Scroll down to Discover

Pourquoi je shoote avec un 85mm en sport mécanique

Pourquoi je shoote avec un 85mm en sport mécanique

Un choix à contre-courant

Dans l’univers de la photographie de sport mécanique, on s’attend souvent à voir de très longues focales, des zooms impressionnants capables de capturer une action à des dizaines de mètres. Pourtant, moi, j’ai fait un tout autre choix : je shoote avec une focale fixe, un 85mm f/2 de chez Canon. C’est une décision qui peut surprendre, voire interroger. Mais ce n’est pas un hasard.

J’ai choisi cette focale pour ce qu’elle m’impose et ce qu’elle m’offre. Elle ne me permet pas de “zoomer” sur la scène, de cadrer tranquillement à distance. Elle m’oblige à bouger, à composer, à être au bon endroit au bon moment. Elle m’encourage à anticiper, à observer avec plus d’attention, à ressentir la scène avant même de déclencher.

C’est une contrainte volontaire, mais surtout un choix artistique. Parce que ce que je cherche à capturer, ce n’est pas juste un moment de sport : c’est une émotion, une ambiance, un fragment d’intensité réelle.

Ce que m’apporte le 85mm f/2

Ce 85mm, je le connais par cœur. C’est mon œil, mon prolongement, mon outil de prédilection pour traduire ce que je ressens en bord de piste. Il me permet de me concentrer sur l’essentiel, de ne pas me perdre dans les détails superflus. Avec lui, je cadre plus serré, plus juste, et je me rapproche de ce qui m’importe vraiment : l’humain, l’intensité, l’instant.

Sa profondeur de champ maîtrisée m’offre une belle séparation entre le sujet et l’arrière-plan, sans pour autant le détacher complètement de son environnement. C’est un équilibre que j’aime particulièrement dans ce type de sport, où le décor – la poussière, les ornières, la lumière crue – fait partie de l’histoire. Le rendu est souvent doux, presque cinématographique, tout en gardant une vraie netteté là où je le décide.

Le 85mm f/2 m’aide à créer des images simples et fortes, ancrées dans le réel mais nourries par ma sensibilité. Il m’éloigne de la course à la performance pour me ramener à l’essence même de ce que je veux transmettre : la beauté brute de l’instant.

Ce qu’elle m’oblige à faire

Photographier avec une focale fixe, c’est accepter de renoncer au confort. Pas de zoom pour attraper une scène au loin. Pas de facilité pour changer de cadrage en restant sur place. Si je veux capter un moment précis, je dois me déplacer, me positionner avec intention, anticiper ce qui va se passer. Et dans un univers aussi imprévisible que le motocross ou le quad, c’est un vrai défi.

Mais c’est justement cette contrainte qui me pousse à être plus présente, plus attentive, à lire les trajectoires, observer les pilotes, sentir les moments clés arriver. Je suis dans l’instant, les deux pieds plantés dans la terre, le regard en alerte. Cette focale m’impose de composer chaque image avec soin, d’imaginer mon cadre avant même que l’action ne s’y déroule.

Elle m’apprend aussi à accepter de ne pas tout capturer, à choisir mes instants, à me concentrer sur ce qui compte. Et souvent, ce sont les émotions, les tensions, les gestes, les regards. Des fragments d’intensité qu’on ne voit pas toujours quand on cherche à tout couvrir.

Les limites… et pourquoi je les accepte

Bien sûr, shooter avec une focale fixe a ses limites. Il m’arrive de rater une action trop lointaine, un saut imprévu, un dépassement fulgurant que je n’ai pas pu anticiper. Il y a des moments où je sais que, avec un zoom, j’aurais pu “l’avoir”. Mais justement, je ne cherche pas à tout avoir.

Je préfère laisser filer certaines scènes si ça me permet de rester fidèle à ma démarche. Ce que je veux, ce n’est pas une accumulation d’images spectaculaires : c’est une série cohérente, incarnée, qui raconte quelque chose. Et pour ça, cette focale m’aide à garder le cap.

Je suis consciente des sacrifices que ce choix implique, mais je les assume pleinement. Car ces limites me recentrent sur l’essentiel : mon regard, ma sensibilité, et la manière dont je veux raconter ce sport.

Et à mes yeux, c’est ce qui donne toute leur valeur à mes images.

Une esthétique assumée

En sport mécanique, on pense souvent vitesse, action, puissance. Mais ce que je cherche, moi, c’est une forme de beauté dans le mouvement, une justesse dans la lumière, une lecture claire dans le chaos. Avec mon 85mm, je construis mes images comme on compose une scène : je joue avec les lignes, j’observe les contrastes, je guette les reflets sur une visière ou la poussière soulevée dans un rayon de soleil.

Je privilégie les images sobres, épurées, sans artifices. Ce qui m’importe, c’est le ressenti, l’atmosphère, la tension d’un regard ou la concentration figée d’un pilote à l’approche d’un virage. C’est ce mélange de maîtrise technique et d’instinct artistique qui me guide, bien plus que la recherche du spectaculaire à tout prix.

En choisissant une focale fixe, je choisis aussi une identité visuelle claire et constante, fidèle à ma vision : une photographie sensible, immersive, et ancrée dans le réel. Ce n’est pas une question de performance, mais d’intention.

En conclusion

Choisir un 85mm fixe pour photographier le sport mécanique, c’est faire un pas de côté. C’est renoncer à la facilité pour gagner en sincérité. C’est accepter les limites pour affirmer une vision. Et surtout, c’est rester fidèle à ce que je suis : une photographe qui observe, qui ressent, et qui raconte — sans artifice, mais avec intensité.

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

We’re Are Social